La valeur locative cadastrale d’un bien immobilier se distingue nettement de sa valeur vénale. Dans un contexte fiscal, ces deux notions jouent des rôles différents, mais elles sont souvent confondues par les propriétaires et les gestionnaires de patrimoine. Cet article compare ces deux notions, en détaillant leurs définitions respectives, leurs usages fiscaux, leurs méthodes de calcul, ainsi que des exemples pratiques pour clarifier les différences.
Sommaire
La méconnaissance de la valeur locative cadastrale est fréquente, car elle n’apparaît ni dans un acte de vente ni dans les annonces immobilières, contrairement à la valeur vénale qui est au cœur des transactions. De plus, la suppression de la taxe d’habitation pour la plupart des foyers n’a pas supprimé l’usage de la valeur cadastrale : celle-ci sert toujours de base pour la taxe foncière et pour la cotisation foncière des entreprises (nouveau nom de la taxe professionnelle).
La valeur vénale apparaît dans les annonces immobilières et les bases de données publiques, tandis que la valeur cadastrale reste peu visible du public dans le calcul de l’impôt.
Définitions
La valeur locative cadastrale correspond au loyer annuel théorique qu’un propriétaire pourrait obtenir si son bien était loué dans des conditions normales. Elle est établie administrativement par l’administration fiscale à partir de loyers de référence anciens. Cette valeur sert de base pour calculer certains impôts locaux : elle est la base imposable de la taxe foncière (sur les propriétés bâties et non bâties) et de la taxe d’habitation (pour la part encore due). Cette valeur correspond au « revenu cadastral » fictif du bien, qui est multiplié par les taux d’imposition pour calculer les impôts locaux (après application des abattements ou exonérations prévus).
La valeur vénale est, en revanche, la valeur de marché du bien, c’est-à-dire le prix qu’un vendeur peut espérer obtenir lors de la vente. Elle dépend de la loi de l’offre et de la demande : emplacement, superficie, état du bien, tendance du marché, etc. La valeur vénale correspond au prix net vendeur (sans les frais annexes, tels que frais de notaire et commission d’agence). Elle n’a pas de définition légale fixe et résulte d’estimations ou de comparaisons de ventes récentes.
Ces deux notions sont donc très différentes : la valeur locative cadastrale est un loyer fictif à des fins fiscales, tandis que la valeur vénale est le prix effectif du marché. En pratique, la valeur locative cadastrale est exprimée en euros par an, alors que la valeur vénale se compte en euros au moment de la vente. Ce décalage peut être très important : un quartier ou un logement très cher sur le marché peut avoir une valeur cadastrale modeste si le cadastre n’a pas été révisé depuis longtemps. Inversement, un bien dégradé verra sa valeur vénale chuter plus vite que sa valeur cadastrale, car seul l’état sur le terrain fait évoluer cette dernière.
À quoi servent-elles
La valeur locative cadastrale est avant tout une notion fiscale. Elle sert de base au calcul de plusieurs impôts locaux. En pratique, l’administration multiplie cette valeur cadastrale par les taux votés par les collectivités pour déterminer le montant de la taxe foncière (sur les propriétés bâties et non bâties). Dans une moindre mesure, elle servait à la taxe d’habitation (pour les résidences principales restant imposables ou pour les résidences secondaires) et elle sert aujourd’hui pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) des locaux professionnels. En résumé, la valeur cadastrale fixe le « revenu cadastral » sur lequel sont assises les taxes locales et professionnelles.
La valeur vénale, quant à elle, n’intervient pas dans ces calculs fiscaux locaux. Elle est utilisée dans les transactions immobilières et les évaluations patrimoniales. Par exemple, lors de la déclaration de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), chaque bien doit être déclaré à sa valeur vénale au 1er janvier de l’année d’imposition. De même, en cas de succession ou de donation, les biens transmis sont évalués à leur valeur vénale au moment de la transmission, qui sert de base au calcul des droits. La valeur vénale sert également au calcul de la plus-value en cas de revente.
La valeur vénale est donc la valeur de référence lors d’une vente ou d’un achat : les notaires, agents immobiliers et vendeurs la prennent en compte pour fixer le prix de transaction. Les acheteurs et vendeurs peuvent aussi consulter cette valeur via des outils publics comme la base DVF des ventes immobilières ou le simulateur Patrim sur impots.gouv.fr. En outre, les établissements financiers peuvent y recourir : la valeur vénale est souvent utilisée par les banques comme estimation de la garantie immobilière lors d’un prêt.
Méthodes de calcul
Le calcul de la valeur locative cadastrale est strictement normé. On part d’un loyer de référence de base datant de l’origine du cadastre (1961 pour les terrains, 1970 pour les constructions). Ensuite, chaque logement est classé dans une des huit catégories officielles (du logement ordinaire au logement de grand standing). La surface du logement est alors « pondérée » selon sa nature : par exemple, une chambre ou un salon compte pour 100 % de sa surface, un couloir ou dégagement pour 70 %, un balcon ou mezzanine pour 50 %, un garage ou une cave pour 30 % environ. La surface pondérée représente la surface taxable du logement.
Chaque catégorie de logement dans chaque commune donne ensuite lieu à un tarif au mètre carré de référence, établi par les services fiscaux. Pour ce faire, on identifie dans la commune des « locaux de référence » représentatifs pour chaque catégorie. En comparant les loyers historiques de ces locaux de référence, on déduit un tarif au mètre carré en euros pour chaque catégorie de logement. La valeur locative cadastrale initiale du bien est alors obtenue en multipliant sa surface pondérée par ce tarif de référence.
Plusieurs coefficients correctifs ajustent ensuite ce résultat. On applique notamment un coefficient d’entretien (souvent entre 0,80 et 1,20) qui traduit l’état général du bien (neuf ou rénové versus vétuste), et un coefficient de situation (par exemple de -0,10 à +0,10) qui tient compte de la qualité du quartier ou de la proximité des transports. D’autres critères peuvent être pris en compte, comme la présence d’un ascenseur, la part inoccupée du logement, ou l’usage professionnel d’une partie. Au final, cette valeur locative dite « brute » est revalorisée chaque année par un coefficient forfaitaire (fixé par la loi de finances, généralement proche de l’inflation) pour donner la valeur cadastrale taxable.
La valeur vénale, quant à elle, n’est pas calculée selon une formule administrative. Elle se détermine par comparaison de marché et expertise. Concrètement, on recueille les données des transactions récentes de biens comparables (même quartier, surface, état, etc.). L’administration fiscale met à disposition deux outils essentiels : la base DVF (Demandes de Valeurs Foncières) qui publie les prix de vente constatés par les notaires, et le simulateur Patrim (site impots.gouv.fr) qui permet aux contribuables de retrouver ces données selon leur situation géographique. En pratique, on retient alors une fourchette de prix cohérente avec ces ventes comparables pour estimer la valeur vénale du bien, éventuellement ajustée en fonction de critères spécifiques (état intérieur, présence d’un locataire, etc.).
Cas pratiques
Pour illustrer la différence pratique entre ces valeurs, considérons quelques exemples simplifiés (chiffres indicatifs) :
Type de bien | Valeur locative cadastrale (€/an) | Valeur vénale estimée (€) |
---|---|---|
Appartement 3 pièces (50 m²) – centre-ville | 6 000 | 360 000 |
Maison 4 pièces (100 m²) – agglomération moyenne | 3 000 | 250 000 |
Local commercial 30 m² – zone commerciale | 4 500 | 300 000 |
Dans ces exemples, l’écart est évident. L’appartement affiche un loyer théorique de 6 000 € par an, mais il pourrait se vendre aux alentours de 360 000 €. La maison de 100 m² donne un revenu cadastral de seulement 3 000 €/an pour une valeur vénale d’environ 250 000 €. Le local commercial affiche 4 500 €/an de valeur cadastrale contre 300 000 € de prix de marché. En résumé, la valeur cadastrale s’exprime en milliers d’euros par an, tandis que la valeur vénale se compte en centaines de milliers pour la même surface. Ces écarts viennent du fait que la valeur cadastrale est un montant figé et administratif, alors que la valeur vénale reflète le prix réel du marché actuel.
Erreurs fréquentes
- Confondre la valeur locative cadastrale avec le loyer du marché : la VLC est un montant fictif déterminé par l’administration, et non le loyer réel que l’on pourrait percevoir. Elle peut rester très faible même si le loyer actuel du logement est élevé.
- Penser que la valeur vénale sert à calculer la taxe foncière : au contraire, c’est la valeur locative cadastrale qui entre dans les impôts locaux. La valeur vénale concerne la revente et les déclarations patrimoniales (IFI, succession) mais pas la taxe foncière ni la CFE.
- Confondre valeur vénale et prix de vente : la valeur vénale correspond au prix net vendeur, hors frais. Le prix de vente affiché inclut les frais d’agence (en général 5 à 7 %) et les frais de notaire. Par exemple, un bien vendu 200 000 € avec 6 % de commission d’agence équivaut à une valeur vénale nette d’environ 188 000 €.
- Oublier que la valeur locative cadastrale est basée sur des références anciennes : elle est revalorisée forfaitairement chaque année et ne suit pas directement les loyers du marché. Seuls des travaux importants (agrandissement, changement d’usage) peuvent entraîner une révision de la VLC par l’administration.
- Employer « valeur locative » sans précision : hors cadre fiscal, on parle simplement de loyer de marché. Il convient de préciser « cadastrale » pour ne pas confondre. Penser qu’une vente récente modifie la valeur cadastrale ou que la taxe d’habitation étant supprimée, la VLC est inutile, sont des erreurs : la valeur cadastrale reste la base de la taxe foncière et de la fiscalité locale tant qu’elle n’est pas recalculée officiellement.
- Penser que la valeur cadastrale évolue automatiquement avec les loyers du marché est erroné : en pratique, elle ne change que par des revalorisations décidées en loi de finances ou lors d’une réforme cadastrale prévue (actuellement envisagée pour 2026). Ainsi, la VLC ne suit pas directement l’inflation locative.